Au fil des mille-fleurs
Une profonde histoire d’amour se tisse depuis le fond des âges entre la tapisserie et la nature. Appréciées sous les climats rudes pour la vie et la chaleur qu’elles prêtaient à l’austérité minérale des édifices médiévaux, les tentures de haute lisse à motifs floraux paraient tout aussi bien les palais et même les habitats nomades de l’Antiquité, où, jusqu’en plein désert parfois, elles portaient signe d’opulence et promesse de verdoyance. C’est donc pour une double raison, décorative et symbolique, que cette couverture végétale revêt si bien les surfaces nues et stériles et que fleurs, bosquets et palmes tapissent jusqu’aux narrations les plus éloignées de sujets champêtres : héroïques combats du pouvoir spirituel contre le mal, ou du temporel sur la cité adverse – allégorie, au fond, du triomphe de la vie florissante.
Cette luxuriance ne s’en tient nullement à faire tapisserie ou conter fleurette dans les cours d’amour de la Dame à la Licorne et les pastorales galantes des siècles suivants ; après les séductions des mille-fleurs, les « verdures » accompagnent et racontent les Grandes Découvertes, l’essor de la botanique par-delà l’enclos des simples, la constitution d’herbiers et une curiosité nouvelle pour la nature que nourriront les retours des Indes, d’Amérique et d’Asie au XVIIIe siècle, le goût conjoint pour l’exotisme et la science au XIXe. Sans que l’on ait toujours une claire conscience de cette longue filiation culturelle, la célébration de la nature poursuit sa course dans les trames plus récentes, de l’artiste Art Déco Jean Dunand à Jean Lurçat et Dom Robert, puis à Étienne Hajdu, Gérard Schlosser, Daniel Riberzani, Leo Chiachio et Daniel Giannone aujourd’hui, et, tout en entretenant un fécond dialogue avec l’abstraction, fait écho aux questions actuelles, tant artistiques qu’environnementales.
Très judicieusement, le réseau Trame[s]…