Droites lignes et retour de bâton
Peut-on être un chantre majeur de l’abstraction dans les Années 30, proche de Mondrian, et revenir d’un coup à la figuration ? Sans problème, pensait le libre Jean Hélion. En quoi l’abstrait volage se trompait : critiques et galeristes le lui firent bien savoir et surtout payer. Et des problèmes, son revirement lui en valut, prix de ce qui parut une trahison à certains.
À commencer par ces Américains qui avaient si bien accueilli cet engagé volontaire de la modernité, et ce prisonnier de guerre évadé auteur d’un plébiscité They shall not have me. Pour ça, il disait vrai : personne en effet, pas plus ennemi qu’ami, ne pouvait se vanter de le retenir dans un camp. Sans crier gare, cet intime de Marcel Duchamp et de toute l’avant-garde en exil à New York, marié à la fille de Peggy Guggenheim, conseiller de la Galery of Living Art et de son promoteur de l’art moderne A.E. Gallatin, virait sa cuti et peignait des scènes de rue – pour mieux retomber dans l’impasse figurative, sans doute. Paris ne reconnaissait pas non plus l’ancien cubiste initié par Torres-Garcia ni le fondateur avec Théo Van Doesburg du groupe Arts Concret en 1929 puis d’Abstraction-Création avec Herbin et Vantongerloo, collectif ralliant entre autres Kupka, Mondrian, Kandinsky, Gleizes, Arp, disparate sans doute mais mû par une même religion de la géométrie que soudain il apostasiait crânement.
Il tint bon cependant, face à cette incompréhension assez unanime et payée de méventes. C’est peut-être à cette persévérance d’artiste en butte à un désamour soudain et durable que le Musée d’Art Moderne entend rendre hommage, osant de son côté braver un certain interdit qui frappe toujours le choix délibéré de la voie figurative dans l’art d’après-guerre. Pour Hélion c’était une nécessité intérieure, et assez impérieuse pour valoir des sacrifices. Homme de convictions, il n’en…