Impressionnisme, on refait la déco

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire n°13 - 30 mars 2022 (page 96-99)
Information dentaire

L’Art Déco, dans nos petites fiches, ce n’est pas l’Impressionnisme ; c’est une autre période, postérieure. Oui et non, répond le Musée de l’Orangerie avec cette exposition pleine de surprises. À l’ombre des Nymphéas, refont surface des œuvres noyées dans le flou de certains découpages historiques parce qu’elles ne cadraient pas avec leurs rives étroites. Très connues parfois, elles sont peu reconnues pour ce qu’elles étaient dans l’esprit de leurs auteurs. Ceux-ci en ont pourtant clairement, à travers des mentions précises, annoncé la couleur, la nature et la fonction : « Grande décoration », « Panneau décoratif », ou encore « Essai de peinture décorative ». Mais ces panneaux, apparemment, on ne les a pas bien vus, faisant de ce fait longtemps fausse route. Au-delà de la correction d’optique, belle et juste occasion de rendre à Cézanne et aux autres ce qui leur appartient, il y a là une invitation à repenser ce qui, à différentes époques, définit un tableau et ses lisières, fait la valeur d’un genre, et au prix de quels combats ou à la faveur de quelles opportunités un peintre peut connaître le pur bonheur d’expérimenter sans contrainte, fût-ce sur un tout nouveau béton. Au risque de « l’art mineur » qui le déclasserait, mais toujours, pour qui cela a un sens, au service du beau partagé sans réserves.

Valeur hors cadre et prix de la baguette

Si une peinture n’a pas sa baguette d’or moulurée et de quoi l’accrocher, ce n’est pas un vrai tableau ; il n’est pas fini et ne vaut donc pas un clou. C’est ce que pense le bourgeois du XIXe siècle, mais le préjugé n’est pas loin de contaminer les plus avisés : l’œuvre du peintre doit s’envisager dans un format qui l’individualise, défini à la fois par le chevalet qui porte le châssis, le cadre qui le reçoit et la juste distance d’appréciation. Tout ce qui outrepasse ces normes et bornes relève de l’art « décoratif », terme longtemps dépréciatif. La peinture n’est pas faite pour décorer, estime Baudelaire qui n’a que mépris pour les « tableaux de salle à manger », sans commune mesure avec les « peintures de cabinet ou de galerie ». Seul Rimbaud ose avouer carrément sa faiblesse pour la « peinture idiote (de) dessus de porte, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaire », qu’il apprécie à contre-courant. Or, voilà que son goût devient brusquement mainstream et que l’art décoratif a le vent en poupe, s’affranchissant du sacro-saint cadre pour s’égailler sur diverses surfaces qu’il a pour mission d’égayer : dessus et panneaux de portes, mur marouflé entre deux fenêtres, céramiques, vases, éventails et bien sûr paravents. Engouement japoniste né après 1850 de l’ouverture du Pays du Soleil Levant, redynamisé par les Nabis à la fin des années 1880 et prélude à l’Art Nouveau, explique une distraite histoire de l’art. La cause est entendue, c’est aussi net que le coup de marteau du commissaire-priseur.

Et les impressionnistes dans tout ça ? C’est une autre histoire, assure-t-on fréquemment pour botter en touche. Minute, pardon ! Au Musée de l’Orangerie, des doigts audacieux se sont levés : ce n’est pas « brusquement » que le public s’est rallié au penchant de Rimbaud…

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