Responsable scientifique : Patrick Limbour (UFR de Rennes)
Bien des notions ont évolué depuis les débuts de l’implantologie orale. Les grandes directions que suivent ces évolutions sont toujours sensiblement les mêmes, la mise en œuvre de techniques cliniquement fiables qui “facilitent” les plans de traitement. La chirurgie guidée et l’imagerie en général ont été une avancée majeure, les dimensions, longueur et diamètre des implants, ainsi que les délais d’implantation en sont une autre. L’avulsion-implantation immédiate raccourcit les délais de traitement, les implants courts ou étroits évitent le recours aux greffes osseuses. Tout l’objet de cette séance dirigée par Patrick Limbour est de se poser la question de la pertinence clinique d’une telle modification de paradigme et des limites de cette évolution, même si les intérêts sont évidents.
Un traitement implantaire idéal doit être réalisé en respectant certains principes chirurgicaux, biomécaniques et prothétiques. Le positionnement de l’implant doit répondre à plusieurs impératifs, dans les sens mésio-distal, vestibulo-lingual et corono-apical. Cependant, certaines situations comme un volume osseux limité, la position du canal alvéolaire ou du sinus maxillaire rendent difficile, voire impossible, le placement d’un implant là où il est prothétiquement souhaité. Des solutions chirurgicales sont parfois requises comme des greffes osseuses, des élévations sinusiennes, des régénérations osseuses guidées ou des transpositions du nerf alvéolaire inférieur. Ces chirurgies invasives ont un coût et leur morbidité n’est pas négligeable. Mais, dans certains cas, le placement d’un implant court (inférieur à 8 mm) ou étroit (inférieur à 3,5 mm) peut représenter une solution beaucoup plus simple.
L’European Association of Dental Implantologist, lors de sa 11e conférence de consensus européen (European Consensus Conference) du 6 février 2016 à Cologne, a publié des recommandations cliniques sur l’utilisation des implants courts en prenant soin de considérer, d’une part, les implants courts (de 4 à 8 mm de longueur) et, d’autre part, les implants ultracourts (4 mm) (fig. 1).
Des études récentes présentent des taux de survie tout à fait comparables à ceux des implants de taille conventionnelle, pour autant que les recommandations sur leur utilisation soient respectées [1]. Il est important de noter que si la perte osseuse péri-implantaire est sensiblement la même qu’autour d’un implant de longueur normale, l’impact de ce remodelage peut paraître plus délétère autour d’un implant court. Perdre 2 mm d’os n’a vraisemblablement pas le même impact biomécanique sur un implant de 8 mm que sur un implant de 10 mm. Il n’existe pas à ce jour d’étude supérieure à 5 ans et il est difficile de prévoir ce qu’il adviendra de ces traitements au bout de 10 ans [2]. Si les taux de survie sont présentés, qu’en est-il des taux de succès ?
Choisir un implant de petit diamètre permettra une meilleure angiogenèse et cela améliorera le score papillaire en secteur esthétique (fig. 2).
En effet, contrairement à la dent qui reçoit également sa vascularisation du desmodonte, la gencive péri-implantaire n’est vascularisée que par le périoste. Cette hypo-vascularisation est à l’origine d’une défense antibactérienne moins efficace, et d’une perte des papilles.
La qualité osseuse est également un facteur important, car l’os moins dense résiste moins aux forces, il est décrit une moins bonne ostéointégration dans l’os de type 4.
En termes d’occlusion, de petites surfaces occlusales devront être préférées.
Enfin, un petit diamètre doit être compensé par une longueur importante. Plusieurs études ont fait l’état de nombreux échecs cliniques lors de l’utilisation d’implants de petits diamètres associés à une longueur inférieure à 8 mm. Dans une récente revue de littérature, les implants inférieurs à 13 mm sont plus fréquemment perdus que les plus longs [3].
Les protocoles d’extraction-implantation et mise en fonction immédiate (EIMFI) font aujourd’hui partie de l’arsenal thérapeutique courant en implantologie. La mise en nourrice des implants dentaires n’est plus du tout un acte systématique. Elle demeure toutefois indiquée en cas de stabilisation primaire insuffisante des implants, ou lorsqu’il se révèle nécessaire de réaliser un aménagement muco-gingival associé à un déplacement tissulaire ; cet acte étant plus simple à réaliser lors du deuxième temps chirurgical grâce à la préservation d’un lit périosté.
Les protocoles d’EIMFI vont permettre de raccourcir le temps global de traitement, de limiter la résorption postextractionnelle et de réduire le nombre d’interventions. Le patient bénéficie en outre d’une denture fixe pendant toute la durée du traitement, ce qui représente un confort et un avantage psychologique évidents.
La systématisation de cette approche est toutefois préjudiciable si l’objectif est le résultat esthétique et fonctionnel à long terme. Voilà pourquoi une évaluation du rapport bénéfice/risque de chaque situation clinique devra être systématiquement réalisée en amont afin de bien cadrer le domaine des indications des EIMFI. Lorsque toutes les conditions sont réunies, cette approche donne d’excellents résultats. L’EIMFI reste toutefois un acte techniquement plus difficile qu’une implantation sur une crête cicatrisée. La présence de l’alvéole osseuse rend plus difficile le positionnement 3D idéal de l’implant. Les parois osseuses alvéolaires feront, à ce titre, l’objet d’une étude radiologique approfondie pour déterminer leur présence et leur orientation. Le volume osseux sera en outre mis en corrélation avec le projet prothétique idéal, afin d’évaluer la faisabilité du traitement et l’éventuelle nécessité de réaliser des aménagements osseux. Toute erreur lors du positionnement implantaire aura des conséquences à court ou moyen terme, pouvant aller de simples difficultés pour réaliser la prothèse d’usage aux déhiscences tissulaires liées à un positionnement trop proche des tables osseuses externes. L’environnement gingival est donc, au même titre que l’os, un élément clé à prendre en considération lors de la pose de l’indication de l’EIMFI.
Enfin, en fonction du type d’endentement (unitaire, partiel ou total), le cahier des charges prothétique des protocoles d’EIMFI sera très différent. De la simple mise en esthétique immédiate jusqu’à la mise en fonction occlusale réelle, la temporisation aura un objectif très spécifique lié à une prise en considération globale du schéma occlusal du patient.
La temporisation sera réalisée quant à elle soit en méthode directe au cabinet, soit par l’intermédiaire du laboratoire de prothèse.
Maxime Bouvard et Patrice Margossian, dans une séance très clinique, feront un tour d’horizon des difficultés mécaniques, biologiques et esthétiques de ces techniques dont la vocation est la simplification des traitements. Un arbre décisionnel permettra d’identifier clairement le champ des indications afin d’obtenir et maintenir dans le temps une parfaite intégration esthétique et fonctionnelle de nos restaurations supra-implantaires, et ce à long terme.
Thomas Fortin
Membre du Comité scientifique du Congrès ADF 2016 en charge de l’implantologie et la radiologie
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