L’historien d’art Pascal Rousseau multiplie en effet connexions savantes et judicieuses passes magnétiques pour l’étudier à travers l’une de ses plus constantes lignes de force : le phénomène hypnotique et ses influences électrisantes sur la création artistique. Des primitives vaticinations théâtralisées aux thérapies les plus éprouvées, et des premières apparitions à l’image aux sophistiqués dispositifs multimédia, c’est toute une histoire culturelle de l’hypnose qui se déroule ainsi sous nos yeux, vue du côté de sa production comme de celui de sa réception. Cette exploration de la recherche sur la psyché et les états modifiés de conscience induit une profonde relecture de la modernité, en art aussi bien qu’en sciences, avec pour dénominateur commun une phénoménologie de la fascination et pour perspective plus lointaine une interrogation de la notion même d’effet, thérapeutique ou visuel.
Entrée en scène à grands effets
Tout commence avec un médecin viennois – qui annonce à bien des égards son concitoyen père de l’inconscient. Anton Mesmer, en cette fin de XVIIIe siècle, croit au « magnétisme animal » et à ses bienfaits sur le corps et l’esprit. Pas de grosse bête à chercher ici : le mot animal se réfère au vivant distinct du végétal immobile ; mais la petite bête, ça oui, et fondamentalement. Car il évoque, d’une part, ce que l’on connaît sous le nom de magnétisme minéral, c’est-à-dire le phénomène de l’aimantation naturelle, et il accroche, d’autre part, chez les savants et théologiens de tous ordres un écho du côté de l’anima, l’âme. Du pain bénit pour qui se pose en guérisseur. Selon Mesmer, il existe par tout l’univers un fluide qui circule en chacun et règle sa santé. Les désordres éprouvés par ceux chez qui il se déséquilibre peuvent être corrigés par ceux qui, initiés, savent le diriger par de secrètes passes. À Paris…