Hugo, scribe des rayons et des ombres

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire n°24 - 16 juin 2021 (page 50-53)
Information dentaire
Hugo a toujours dessiné, depuis l’enfance. Des notations pour fixer un souvenir, des impressions ; une écriture graphique en marge de l’écrit, et qui tient à rester à la marge de l’œuvre littéraire, sans que jamais l’homme de plume ne laisse le crayon prendre le dessus sur elle. Même quand son génie, en ce domaine aussi, éclatera avec toute la force de l’évidence, il le tiendra sous le boisseau et ne montrera ses œuvres qu’à de rares amis. Pourquoi ? C’est le mystère le plus impénétrable de cet homme monstrueusement doué. On en veut parfois à l’écrivain qui ne se modère peut-être pas assez dans certaines pages, mais jamais autant qu’au peintre qui se cache trop dans les siennes. Hugo est un immense peintre, cela crève les yeux ; il n’y a que lui pour ne pas sembler vouloir le croire ou le dire. Si rares sont, encore aujourd’hui, les occasions de voir ses dessins que l’on ne peut que se précipiter dans sa maison qui vient de rouvrir Place des Vosges pour les y découvrir*.

Visions en abyme d’un voyageur dans l’âme

Il y a de tout : des petits croquis saisis lors de séances à l’Académie, distraitement comme un écolier riant sous cape dans son cahier, des caricatures marquées de ce grotesque qu’il oppose au sublime, des cathédrales où sommeillent les futures arches de Notre-Dame, des châteaux où s’accroche un rêve de roman hugothique à jamais resté dans les ténèbres. Et puis des tempêtes, bien sûr**. Grande affaire là encore pour lui, née bien longtemps avant Guernesey et en particulier à la faveur de l’une de ses escapades avec Juliette Drouet, en 1836. Cet été-là, le peintre Célestin Nanteuil lui a fait prendre la suite de son calepin, en y laissant les premières feuilles déjà utilisées où Hugo pourra trouver un modèle à suivre, égaler ou dépasser, au gré de son périple breton et normand. Après les forts remparts crénelés de Fougères et la dentelle médiévale de ses toits et jardins, après Saint-Malo et le Mont-Saint-Michel, la muraille des falaises du Pays de Caux est pour lui comme un autre chemin de ronde ponctué de tours de guet et de révélations. Hugo s’abîme dans les réflexions qu’ouvre le gouffre sous ses pieds. La craie inspire le crayon, le bouillonnement alimente le lavis, et il noie le tout dans l’encre douteuse et le mauvais papier d’auberge dont les défauts cumulés réservent des aléas et surprises dont il tire un parti très créatif. Peut-être même faut-il voir là les prémices d’une pratique expérimentale laissant agir volontairement le hasard pour observer ce que ça « donne » et le corriger sinon diriger.

Très vite en tout cas, le style de Hugo se dessine : clairs-obscurs marqués, contrastes profonds, mystères de voûtes ombreuses serties de contreforts massifs, flanqués de ponts et de marches et hérissés de frêles flèches blêmes. Une même atmosphère tourmentée nimbe le tout, unifiant l’Aiguille d’Étretat et le Burg du Rhin…

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