Giorgio de Chirico, une stature mythique

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire n°33 - 30 septembre 2020 (page 94-97)

Giorgio de Chirico, L’incertitude du poète, 1913.

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Il n’est pas difficile d’aimer Giorgio de Chirico : ses tableaux aux mystérieux équilibres intriguent d’emblée et séduisent avec persistance. Plus dur est de le connaître au-delà des présupposés, entretenus pour diverses raisons, qui prétendent cantonner l’intérêt de sa peinture à la période « métaphysique » d’avant 1918, le peintre n’ayant plus fait ensuite que trahir ses ambitions, se répéter ou se moquer du monde – encore que certaines lectures plus récentes aient valorisé dans cette seconde attitude une audace jugée post-moderne. C’est bien parce que cette première époque contient en germe tous les ferments et de la concorde et de la discorde que le Musée de l’Orangerie remet en lumière cette période phare où de Chirico, suivant une trajectoire intellectuelle aussi complexe qu’originale, surgit en météore dans un monde de l’art qui ne l’attend pas mais en reçoit, subjugué et perplexe, le puissant rayonnement. Quand la comète semblera estomper ses prestiges, ce sera pour mieux reparaître et soumettre à nos regards éternellement fascinés l’énigme de leurs messages d’oracle et leur temps suspendu.

Le voyageur de l’étrange

La jeunesse de Chirico (prononcé Kirico, à l’italienne) est aussi cosmopolite que sa famille, d’origine ottomane, qui l’a fait naître et s’élever en Grèce avant de se transplanter à Munich l’année de ses dix-sept ans, en 1905. Après quelques séjours à Milan, Rome, Florence et une visite de Turin doublement marquante – il arpente la ville aux arcades dans les pas de Nietzsche qui y fut saisi de démence –, Giorgio de Chirico s’établit peintre à Paris en 1911. À vingt-trois ans, pétri de culture antique, de mythologie, de philosophie allemande et d’européanité, la question de la nationalité lui est assez étrangère : il vient de partout et son art puise à des sources multiples et lointaines, distinctes en tout cas de celles qui influencent ses confrères.

Cette originalité frappe aussitôt Apollinaire : « L’art de ce jeune peintre est un art intérieur et cérébral qui n’a point de rapport avec celui des peintres qui se sont révélés ces dernières années. Il ne procède ni de Matisse ni de Picasso, il ne vient pas des impressionnistes », écrit dès 1913 le poète qui parle de « peintures étrangement métaphysiques » et y intéresse le marchand Paul Guillaume. Voilà de Chirico et sa peinture métaphysique lancés par ce trouveur de mots qui invente, dans le même temps, celui de surréalisme. Et d’ailleurs, le peintre va d’emblée être encensé par le mouvement qui, autour de Breton, s’habillera plus tard de ce nom et crèvera de dépit de ne pas le voir rallier ses rangs.

C’eût été une recrue de choix car de Chirico, qui par antériorité, indépendance et dédain, ne se déclarera jamais surréaliste, a fourni au groupe en gestation de nombreux brins d’ADN. Parmi lesquels, à l’évidence, le climat insolite chargé de silence et de mystère diffus, l’onirisme et « l’inquiétante étrangeté » freudienne, ainsi que les jeux de rapprochements hors logique…

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