Füssli, forcément sublime

  • Par
  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire n°39 - 9 novembre 2022 (page 94-98)
Information dentaire

Noirs désirs

C’est insidieusement que son Cauchemar frappe à la porte de l’imaginaire, avant qu’on ne prenne soudain conscience qu’il la force, emplissant toute la scène d’une vision d’horreur. Conscience comment et de quelle horreur, on ne saurait le dire nettement ; mais le malaise et l’effroi planent sur ce qui s’est joué entre cette femme prostrée, l’être diabolique qui perché sur elle nous fixe, ce cheval aux yeux de feu dont la tête affolée déchire le rideau. Trop tard, c’est fait. Pour elle peut-être, perdue de corps et de raison s’il ne s’agit pas d’un songe, mais pour nous à coup sûr : en un regard et pour toujours, ce tableau a pris possession de notre âme, doué d’un pouvoir de fascination maléfique qu’on dirait tenu des sorcières de Macbeth et, plus loin, de l’antique Gorgone aux cheveux de serpents, Méduse. Et là-dessus on ne se se trompe pas au fond.

Il y a bien de tout cela dans l’art de Füssli, sur lequel cette exposition lève le voile sans se laisser pétrifier par la toile célèbre qui en occulte parfois la profondeur. L’artiste, redécouvert ici en quelque soixante œuvres très rares, est complexe comme son parcours. D’abord théologien et pasteur dans sa Suisse natale, Johann Heinrich Füssli est pétri de récits bibliques, de mythologie – gréco-latine en particulier, nordique aussi – et il nourrit un goût éclectique pour la littérature, la sculpture, l’anatomie, le dessin, le théâtre, se passionnant autant pour la puissance de Michel-Ange à Rome que pour les sortilèges ombreux de Shakespeare à Londres, où il arrive en 1764. Accueilli par Reynolds à la Royal Academy, Füssli est encouragé à se faire peintre d’histoire et à tracer son chemin dans la voie néoclassique que lui ouvrent son talent et sa culture très érudite. Mais il vise autre chose. Un démon intérieur le travaille obscurément, alimenté autant par l’influence du Sturm und Drang que par celles…

Cet article est réservé aux abonnés.
Pour lire la suite :

Vous êtes abonné.e ? Connectez-vous
Mot de passe
oublié ?

Vous pouvez également :

Acheter l'article En version numérique
Acheter le numéro À l'unité

Thèmes abordés

Sur le même sujet

À découvrir

Le quart d’heure ravelien

Quel tube planétaire, d’une durée minimale de 15 minutes, est joué toutes les 15 minutes ? Ce diable de Boléro bien...
À découvrir

Le nouveau livre de notre confrère Patrick Taisne

Chirurgien-dentiste de profession, bien que je sois toujours en exercice, l’écriture est devenue aujourd’hui mon activité principale. Voilà huit ans,...
À découvrir

ART sans FRONTIÈRES

Foi d’animal, quelle nature ! Descendu de ses forêts de Suède pour voir celle de Fontainebleau et la colonie de...
À découvrir

Article réservé à nos abonnés Des rêves plein la tête

Mâtin quel beau réveil, frère Jacques ! S’appeler Pré Vert, pour un enfant rêveur, n’est-ce pas déjà tenir de la fée...
À découvrir

Article réservé à nos abonnés Jean-François Capperon, chirurgien opérateur pour les dents du Roi : une réussite sociale surprenante

Après les deux ans d’apprentissage requis, Jean-François Capperon parfait ses connaissances comme compagnon chez un maître chirurgien et il est...
À découvrir

Article réservé à nos abonnés Spécial Tendances

Un peu de douceur dans le tumulte ! C’est ce que vous propose ce dossier Tendances… Textiles d’ameublement, revêtements muraux, ornements...