La vie moderne vue par un drôle d’oiseau
Disparu des radars de l’histoire de l’art après avoir connu la gloire, Devambez revient planer dans le ciel de Paris avec la grande rétrospective que lui consacre le Petit Palais. Fils de la maison de gravure et d’édition Devambez, le petit André a vu grand dès son plus jeune âge, et toute sa vie va d’ailleurs se dérouler entre ces deux regards sur le monde : celui d’un Gulliver libéré des basses contingences et celui de Lilliputiens affairés au sol. Ce qui ne l’empêche pas de voir large, aussi, quant au choix des sujets, des styles, des tons. Très représentatif de l’esprit parisien de la Belle époque, le peintre sérieux honoré en 1890, à vingt-quatre ans, d’un prix de Rome à la Villa Médicis ne s’interdit pas la fantaisie. Passant sans embarras du grave au léger et du chic au populaire, il signe aussi bien des charges dans la presse humoristique que des vues de charges policières dans la foule, et des menus de grandes tables autant que des vignettes publicitaires pour remède miracle.
Mais ce qui le rend précieux, encore aujourd’hui, c’est son talent à peindre la modernité telle qu’elle apparaît sous ses yeux et ceux de ses contemporains, à travers les signes nouveaux qu’elle installe dans l’espace du quotidien. Bien sûr, le train et l’automobile, le dirigeable et l’aéroplane, le canot à moteur, en bref tout ce qui célèbre le progrès allié à la vitesse et témoigne de l’accélération du rythme de la vie à l’aube du XXe siècle. Mais aussi des sujets que d’autres ne songent pas à exalter ni même, simplement, à peindre : un quai de métro bondé à l’heure de pointe, un tram qui fait attraction en rase campagne, une dame assise au téléphone dans son salon. Or, par-delà la banalité qu’ils ont très vite acquise, ces nouveaux usages sont bien plus révélateurs de ce qu’a pu être alors le surgissement de la modernité…