Su-bli-me-ment mé-ta-phy-sique !
Dalí, avec sa scansion inoubliable, aurait à coup sûr poussé une enthousiaste exclamation de ce genre devant l’atomisation de ses œuvres sur les dalles de lumière des carrières des Baux. De fait, ce théâtral jeu de cubes prête idéalement ses facettes à celles de l’artiste au talent multiple.
Ici, le chaos de pierre se fait kaléidoscope légitime d’un génie protéiforme, vitalisé par sa vénération des grands maîtres (Velasquez, Raphaël, Michel-Ange, Vermeer, Millet) et par tous les champs magnétiques qui ionisent sa « méthode paranoïaque-critique » : impressionnisme, cubisme, claires forces mystiques et noires farces surréalistes, mystères de l’onirisme et mirages de l’optique, liens innés avec la photographie, le cinéma, les arts de la scène.
Tout le Dalí à la recherche d’un « rêve qui puisse servir de pièce à vivre » se trouve naturellement mis en relief dans cet antre matriciel, de sa thématique obsessionnelle de l’œuf à la « véritable structure biologique » qu’est sa maison du Portlligat, ou son musée-théâtre de Figueres. Animé d’une perception organique du monde, le peintre est fasciné par la métamorphose ; il exploite les similitudes naturelles qu’il voit ou interroge les analogies qu’il perçoit entre les formes, pliant le réel pour les fondre l’une dans l’autre et atteindre ainsi une surréalité.
Déclenchement automatique
À la recherche de stimuli, Dalí apparie les choses dans le champ mental autant que visible. Parfois, le déclic naît d’un simple rapprochement de mots qui l’inspire ou l’amuse, et qu’il se plaît à prendre au pied de la lettre. Il explique ainsi que ses montres molles, emblématiques de son œuvre, sont d’abord nées d’une association d’idées entre un camembert coulant et le temps qui s’écoule. Par là, il s’affirme aussi bon client des automatismes surréalistes que des associations…