Ados et robots : demain la veille
Comment les questions sur la formation de l’identité de genre, au fil de l’apprentissage des enfants, se poseraient-elles si une tierce personne, artificielle, venait à partager leur vie ? Comment et avec quels repères grandir, se construire, aimer, dans un monde où les parents, défaillants, dépassés, passeraient la main et le cœur à des robots domestiques ? Doit-on redouter pour les gamins des réflexes encore plus conditionnés par la technologie ? C’est ce qu’explorent par anticipation ces Contes et légendes de Joël Pommerat, dizaine de tableaux plus noirs que ceux de la Bibliothèque Rose mais qui bouleversent et interrogent.
Au début n’est plus le verbe, dans ce futur terriblement possible, mais la violence verbale. Le torrent paroxystique d’invectives qu’éructent de très jeunes garçons hors de contrôle semble leur ultime langage, et l’unique vecteur d’une relation résumée à la domination asservissante des uns sur les autres, tenus d’obéir à leurs hurlantes commandes vocales. Une cible excite cette logorrhée qui crache sa haine, charrie en boucle une boue machiste : une fille, qui leur fait face. La peur qu’ils en ont en cache une autre : serait-elle un robot ? Car les robots qui doublent à présent l’humanité troublent irrémédiablement ses rapports. D’autant que leur apparence, loin des primitifs androïdes, est des plus trompeuse : à tous égards ils se fondent parmi nous, avec une plasticité qui n’a d’égale que leur placidité. Dociles et fiables, on leur confie la maison, l’assistance scolaire, la garde d’un bébé. On les programme pour le confort, pour le réconfort aussi, sans toutefois y mêler de réel affect. Seulement voilà : on ne peut jurer de rien, ni savoir ce qu’on gagne ou perd au change. Ceux qu’on nomme désormais, et c’est un signe, « personnes artificielles », ne sont plus de l’I.A. habillée en Playmobil, bien que leurs gestes en…