Situation
Réflexions d’Ariane Camoin1 et Michèle Muller-Bolla2
1 Maître de conférences Praticien hospitalier,
UFR d’Odontologie de l’Université d’Aix-Marseille
2 Professeur des Universités Praticien hospitalier, UFR d’Odontologie de l’Université de Nice Sophia Antipolis
– en cas de désaccord parental, si Kevin avait présenté des complications importantes telles qu’une cellulite infectieuse avec risque de thrombophlébite de la veine faciale, nécessitant une hospitalisation, le chirurgien-dentiste aurait pu passer outre l’autorité parentale (article 372-2 du Code civil) ;
– face à une situation de polycaries et en l’absence de soins réalisés auparavant, si le praticien estime que l’enfant est victime de maltraitance par négligence de son état de santé bucco-dentaire, il peut déposer une information préoccupante directement auprès des cellules départementales de recueil, de traitement et d’évaluation (Conseil départemental) ou appeler le 119 (Enfance Maltraitée). En fonction du risque et en accord avec la famille, l’enfant peut bénéficier de mesures de protection administrative.
Réflexions du Professeur François Vialla
Professeur des Universités. Directeur du Centre européen d’Études et de Recherches Droit et Santé. Université de Montpellier
Entre pouvoir médical et autorité parentale, la prééminence va à la parole des père et mère. Le droit d’être informé et de consentir, qui est l’une des prérogatives de l’autorité parentale, induit celui de refuser les soins préconisés par le praticien.
L’intérêt de l’enfant est donc la pierre angulaire de la réflexion éthique et juridique en la matière.
Le principe d’autonomie conduit à considérer que la volonté du mineur, cependant, doit être prise en considération, « selon son âge et son degré de maturité ».
Il n’en demeure pas moins que, souvent, les titulaires de l’autorité parentale seront les interlocuteurs du praticien qui doit souvent faire office de médiateur en cas de désaccord.
Il est cependant des situations où le praticien pourra agir à défaut d’accord parental, voire en dépit d’une opposition.
Il convient, tout d’abord, dans la situation soumise, d’exclure le recours aux dispositions de l’article 372-2 du Code civil : « à l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant. »
Le texte exige que le tiers soit de bonne foi, c’est-à-dire qu’il puisse légitimement penser que l’absent est en accord avec celui qui accompagne le mineur. Le terme « usuel » semble inadapté à l’environnement du soin, les critères de gravité ou de bénignité sont parfois proposés comme alternatives, mais ils paraissent tout aussi incertains et malcommodes.
Le praticien peut alors recourir au ministère public afin que celui-ci saisisse le juge aux affaires familiales (article 373-2-8 du Code civil) ou le juge des enfants (article 375 du Code civil) qui peut prononcer des mesures d’assistance éducative « si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger […] ».
On voit ce qu’il peut alors y avoir de disproportion, et de perturbation pour l’enfant, entre le prononcé de telles mesures et la prise d’une décision de soin.
Les droits et libertés fondamentaux du mineur doivent alors être appréhendés pro eo, pour lui et si possible par lui ! La capacité d’exercer ses droits de manière autonome lui est d’ailleurs reconnue (article L1111-5 du Code de la santé publique) et sa volonté doit être systématiquement recherchée « s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision » (article L1111-4 du Code de santé publique).
Le Cid et la CIDE (Convention Internationale des Droits de l’Enfant) plaident en ce sens : « Je suis jeune il est vrai / Mais aux âmes bien nées la valeur n’attend point le nombre des années. »
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