Une question particulièrement importante concernant la relation de soin est de comprendre comment le comportement des soignants peut influencer les ressentis du patient. De manière plus spécifique encore, les mots utilisés au cours du soin par l’équipe soignante peuvent-ils modifier le ressenti douloureux de la personne et, si oui, comment ?
Camille Fauchon (laboratoire Neuropain, Inserm Lyon) en 2017 avait démontré que des volontaires sains soumis à une stimulation thermique douloureuse ressentaient moins la douleur s’ils entendaient parler de leur expérience douloureuse de manière empathique (versus non empathique). Cela réduisait en moyenne de 12 % l’intensité de la douleur.
Pour étudier les modifications cérébrales associées à cet effet, Camille Fauchon a effectué des mesures d’IRM fonctionnelle chez 30 sujets en bonne santé qui ont reçu des stimuli thermiques douloureux sur la main gauche tout en entendant des commentaires empathiques, neutres ou sans empathie (dans le casque audio, laissé ouvert « par inadvertance »). Les résultats confirment ceux de 2017, seuls les commentaires empathiques réduisaient de manière significative l’intensité de la douleur. L’analyse des signaux cérébraux a révélé qu’à la suite des stimuli douloureux, à la fois les conditions « empathiques » et « non empathiques » augmentaient de manière significative l’activation des cortex insulaires antérieur droit et pariétal postérieur, tandis que les activations du cortex cingulaire postérieur et du précuneus (PCC/Prec) étaient significativement plus fortes pendant la condition empathique versus non empathique.
L’activité cérébrale a augmenté dans le cortex préfrontal dorso-latéral dans la condition empathique et a diminué dans le PCC/Prec et le cortex préfrontal ventro-médian (vmPFC) dans la condition non empathique. Dans la condition empathique uniquement, la connectivité fonctionnelle a considérablement augmenté entre le vmPFC et le cortex insulaire. Ces résultats suggèrent que la modulation de la perception de la douleur par les messages empathiques implique un ensemble de régions cérébrales de haut niveau associées à des processus cognitifs tels que mémoires autobiographiques et à la conscience de soi, et repose sur des interactions entre de telles structures supra-modales et des nœuds clés du système de la douleur.
Ce que montrent les travaux de l’équipe du laboratoire de Neuropain sont essentiels pour la pratique clinique. En effet, ils démontrent de manière formelle que la manière de communiquer (ou non) de l’équipe soignante est un élément essentiel pour moduler le ressenti douloureux des patients. Finalement, l’empathie participe de façon primordiale à la qualité des soins.
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