La soif de gloire
Bonaparte a tout mené au pas de charge ; on ne s’ennuie donc pas à retracer sa conquête du pouvoir absolu en vingt ans, documentée et illustrée par étapes sous la Grande Halle de la Villette. En bref, à l’école de guerre de Brienne en 1779, un bagarreur noblaillon corse de dix ans, sans presque un sou ni un mot de français en poche mais doué pour les maths et l’autorité, se fait moquer pour son accent – on surnomme Napoléoné « la paille au nez » – mais repérer pour son sang-froid, sa dureté au travail, son aptitude à commander. Bonne visée : artilleur et stratège, il fait reprendre Toulon en 93 aux royalistes amputés de leur chef cette année-là, disperse leur insurrection à Paris en 95 (300 morts, quand même) et par là sauve la Révolution. Le voilà à vingt-quatre ans général de brigade, de division à vingt-six et dans la foulée commandant en chef de l’armée de l’intérieur. N’importe qui se satisferait d’une ascension si fulgurante, mais il n’est pas n’importe qui ; c’est « un type dans le genre de Napoléon » comme dirait Guitry. Il pense vite, voit loin, agit plus promptement encore. Envoyé faire diversion en Italie, il ne s’y voit pas simple figurant : il utilise sa petite armée pour remporter des victoires retentissantes sur les Autrichiens, réorganise l’Italie en républiques, amène les vaincus à conclure la paix et ramène des convois d’or et d’argent à Paris.
Le Directoire l’acclame et sa popularité grimpe en flèche. Reconnu brillant tacticien, on le consulte sur une potentielle invasion de l’Angleterre, maîtresse des mers. Il étudie la question mais juge plus efficace d’aller la gêner en Méditerranée, clé des Indes et du financement de la guerre faite à la France. Encouragée, l’expédition militaro-scientifique d’Égypte se solde par bien plus de désastres en fait que de succès : anéantissement par Nelson à Aboukir de la flotte envoyée…