Chapeau, Napoléon ?

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire n°17 - 28 avril 2021

Oscar Rex, C’est fini : Napoléon Ier à Sainte-Hélène. © RMN-Grand Palais (Rueil-Malmaison, musée national du château de Malmaison)/ image RMN-GP

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On admire l’aigle au vol impérial, l’homme d’imagination et d’action, le fils égalitariste de la Révolution, créateur des lycées, l’administrateur-né qui réunifie la France et la modernise, le stratège hors pair et l’infatigable bourreau de travail ; on fustige le bourreau des premières lignes, le belliqueux insatiable qui excite dangereusement les nationalismes, l’autocrate pyramidal, le noyauteur de contre-pouvoirs qui nomme lui-même préfets et maires, l’indigne qui rétablit l’esclavage, le misogyne qui soumet les femmes à leurs maris.

Pour, contre, faste, néfaste… Napoléon aura éternellement deux faces, comme sa pièce. Il faut la faire tourner pour comprendre l’homme en mouvement perpétuel : c’est ce que font deux importantes expositions pour le bicentenaire de sa disparition – ou non-disparition. Éclairées par de grands spécialistes, contrastées comme il se doit, elles répondent à toutes les questions et permettent de se faire sa propre idée sur le plus intéressant de l’histoire : comment s’est construit un mythe qui domine encore nos représentations du pouvoir, et structurée une réalité qui façonne toujours le visage de la France. Une révision aussi sérieuse qu’amusante si l’on s’avise que l’événement – suite à de fortuites concordances des temps – a tout pour prendre des allures de référendum sur l’action du grand politique. On voit bien divers médias – manichéens polémistes par malice ou goût de l’infotainement – broder sur un conquérant ambivalent, controversé, sur un bilan à nuancer. Des plateaux invitant tout un chacun à se prononcer, sur le mode « à votre avis, a-t-il fait plus de bien que de mal ? », suivi de « que se serait-il passé s’il avait gagné à Waterloo ? » ou encore de « et s’il s’était échappé de Sainte-Hélène ? », micro-trottoirs et vote en ligne à l’appui. Et en définitive, ils n’auraient pas tort, car bien qu’on ne puisse jamais réécrire l’histoire, l’intéressé lui-même se reposait sans cesse ces questions en guettant sur son caillou perdu la voile de la dernière chance. Après tout, un bicorne a deux pointes : celle du « moi ou le chaos » n’était plus aussi jouable qu’au temps du Premier Consul, mais restait le « moi et le kairos, », ce fugace instant favorable que le Petit Tondu savait si bien saisir aux cheveux…

La soif de gloire

Bonaparte a tout mené au pas de charge ; on ne s’ennuie donc pas à retracer sa conquête du pouvoir absolu en vingt ans, documentée et illustrée par étapes sous la Grande Halle de la Villette. En bref, à l’école de guerre de Brienne en 1779, un bagarreur noblaillon corse de dix ans, sans presque un sou ni un mot de français en poche mais doué pour les maths et l’autorité, se fait moquer pour son accent – on surnomme Napoléoné « la paille au nez » – mais repérer pour son sang-froid, sa dureté au travail, son aptitude à commander. Bonne visée : artilleur et stratège, il fait reprendre Toulon en 93 aux royalistes amputés de leur chef cette année-là, disperse leur insurrection à Paris en 95 (300 morts, quand même) et par là sauve la Révolution. Le voilà à vingt-quatre ans général de brigade, de division à vingt-six et dans la foulée commandant en chef de l’armée de l’intérieur. N’importe qui se satisferait d’une ascension si fulgurante, mais il n’est pas n’importe qui ; c’est « un type dans le genre de Napoléon » comme dirait Guitry. Il pense vite, voit loin, agit plus promptement encore. Envoyé faire diversion en Italie, il ne s’y voit pas simple figurant : il utilise sa petite armée pour remporter des victoires retentissantes sur les Autrichiens, réorganise l’Italie en républiques, amène les vaincus à conclure la paix et ramène des convois d’or et d’argent à Paris.

Le Directoire l’acclame et sa popularité grimpe en flèche. Reconnu brillant tacticien, on le consulte sur une potentielle invasion de l’Angleterre, maîtresse des mers. Il étudie la question mais juge plus efficace d’aller la gêner en Méditerranée, clé des Indes et du financement de la guerre faite à la France. Encouragée, l’expédition militaro-­scientifique d’Égypte se solde par bien plus de désastres en fait que de succès : anéantissement par Nelson à Aboukir de la flotte envoyée…

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