Levée de scellés
A-t-elle fait rêver sous sa tenture, cette porte de la chambre de Hugo ! Car derrière – on l’a toujours su – se dérobe l’escalier complice de ses échappées nocturnes.
Mais seul l’imaginaire pouvait jusqu’ici en franchir le seuil : à l’orée même de la bouche d’ombre, à l’endroit et à l’instant précis où il touchait au mystère de ses révélations, le visiteur se cassait le nez. Il lui fallait, résigné, rebrousser chemin et redescendre les marches de la frustration par l’escalier de la respectabilité, non sans invoquer les mânes du poète pour que triomphe le génie du lieu et que s’ouvre l’issue commandée par l’esprit. Il faut croire à sa puissance : la table des architectes a tourné favorablement et dicté le message du bon sens ; à la faveur en effet du réaménagement du musée, il a été décidé de libérer de son verrou l’escalier de la nuit.
Si les scènes à la Fragonard qu’il desservait restent à jamais le secret du fripon, ce n’est pas sans frisson que l’on descend enfin les degrés interdits ; pour peu, on croirait entendre l’invite du spectre des Contemplations : « Faisons un pas de plus dans ces choses profondes (…) En deçà c’est la nuit, au-delà c’est le rêve (…) Avançons dans cette ombre et sois mon compagnon »*… Ce qui nous attend au bas des marches est en réalité une jolie surprise et une lumineuse idée : c’est sur un jardin nouvellement créé que débouche désormais ce parcours intelligemment repensé. Certes, ce n’est pas le « radieux paradis », « profond, mystérieux »** qu’était pour Hugo le jardin des Feuillantines de son enfance, ni le hallier sauvage et caché de la rue Plumet des Misérables, mais une cour arborée de 300 m² qui fait quand même écho à ces lieux clos, à ces refuges à l’abri des regards qu’affectionnait le poète et qui, dans son œuvre comme dans sa vie, respirent…