Auguste Herbin, l’oiseau rare de l’abstrait, un chant à réentendre

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire n°24 - 19 juin 2024 (page 46-49)
Information dentaire
Si le monde de l’art porte aux nues les abstraits purs et durs du XXe siècle, il peut aussi vouer à l’enfer du silence de grands pionniers ayant pêché par inconstance ou revirement. Signe d’une possible admission au purgatoire, deux importantes expositions réhabilitent coup sur coup deux de ces relatifs damnés : Jean Hélion au MAM*, Auguste Herbin au Musée de Montmartre. Cofondateurs du mouvement Abstraction-Création dans les Années 30 avec les plus connus Arp, Kupka ou Robert Delaunay, ils en professaient ardemment, malgré leurs divergences, la foi non figurative. Hélion la renia et s’en trouva marginalisé. Mais Herbin après hésitations y revint plus fermement que jamais, signa une œuvre d’une forte originalité et exerça une influence majeure. C’est ce qui rendait incompréhensible sa quasi-disparition des cimaises et donc des mémoires. Parfaite par la qualité de sa sélection et son équilibre dans le ravisant atelier-musée de Montmartre, l’exposition qui permet de le redécouvrir est un vrai bonheur, complété de celui d’une pause estivale et pourquoi pas gourmande sous les ombrages de ses jardins secrets.

Plus versicolore que versatile

On ne pourra plus l’ignorer, ni feindre de l’oublier : le talent d’Herbin éclate ici sous toutes ses facettes. Elles sont changeantes c’est vrai au fil des tendances, mais franches et vives comme les couleurs de l’ara. Ce qui ne fait nullement du peintre le perroquet des gloires d’un art moderne qu’il a co-inventé plus qu’accompagné : post-impressionniste, fauviste, cubiste, abstrait géométrique, à chaque étape, Herbin est au premier rang de ce qu’on appellera la nouvelle peinture dont Mondrian dira qu’elle « s’exprime seulement par les rapports de lignes et de couleurs ».

Figure de proue du Bateau-Lavoir, il est, dès avant les Années 10 et ensuite, l’égal de Picasso, Braque, Gleizes, Metzinger ou Gris dans l’aventure cubiste, qu’il pilote tout autant qu’eux par sa peinture, sa pensée et ses prises de position. Sa renommée dans ce courant est déjà internationale quand en 1913, un long séjour à Céret, devenu « le Barbizon du cubisme », infléchit sa pratique vers une synthèse qui fusionne forme et fond sans plus de souci de volume, de perspective, d’illusion de relief : seul compte désormais le dialogue de la surface géométrique plane et de la couleur riche. Si ce langage tranche volontairement sur l’usage pauvre que font alors les autres de la couleur, c’est qu’Herbin cherche déjà à faire parler la peinture, c’est-à-dire non seulement à ne donner la parole qu’à elle hors de tout autre propos, mais à la constituer elle-même en langage, précisément. Encore lui reste-t-il à s’accorder lui-même sur ce qu’il entend par là, d’où quelques détours vers une expressivité plus littérale, temporaire changement de pied où certains rigoristes de l’abstrait voudront voir un indigne changement de camp, tandis que ceux qui auront apprécié cette période réaliste craindront de la voir dépréciée par son retour ferme et définitif à l’abstraction.

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