Plus versicolore que versatile
On ne pourra plus l’ignorer, ni feindre de l’oublier : le talent d’Herbin éclate ici sous toutes ses facettes. Elles sont changeantes c’est vrai au fil des tendances, mais franches et vives comme les couleurs de l’ara. Ce qui ne fait nullement du peintre le perroquet des gloires d’un art moderne qu’il a co-inventé plus qu’accompagné : post-impressionniste, fauviste, cubiste, abstrait géométrique, à chaque étape, Herbin est au premier rang de ce qu’on appellera la nouvelle peinture dont Mondrian dira qu’elle « s’exprime seulement par les rapports de lignes et de couleurs ».
Figure de proue du Bateau-Lavoir, il est, dès avant les Années 10 et ensuite, l’égal de Picasso, Braque, Gleizes, Metzinger ou Gris dans l’aventure cubiste, qu’il pilote tout autant qu’eux par sa peinture, sa pensée et ses prises de position. Sa renommée dans ce courant est déjà internationale quand en 1913, un long séjour à Céret, devenu « le Barbizon du cubisme », infléchit sa pratique vers une synthèse qui fusionne forme et fond sans plus de souci de volume, de perspective, d’illusion de relief : seul compte désormais le dialogue de la surface géométrique plane et de la couleur riche. Si ce langage tranche volontairement sur l’usage pauvre que font alors les autres de la couleur, c’est qu’Herbin cherche déjà à faire parler la peinture, c’est-à-dire non seulement à ne donner la parole qu’à elle hors de tout autre propos, mais à la constituer elle-même en langage, précisément. Encore lui reste-t-il à s’accorder lui-même sur ce qu’il entend par là, d’où quelques détours vers une expressivité plus littérale, temporaire changement de pied où certains rigoristes de l’abstrait voudront voir un indigne changement de camp, tandis que ceux qui auront apprécié cette période réaliste craindront de la voir dépréciée par son retour ferme et définitif à l’abstraction.
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