Une priorité de santé publique
L’endodontie est depuis toujours au centre de notre activité de chirurgien-dentiste. L’urgence douloureuse est le plus souvent d’origine pulpaire (Quiñonez, 2009), elle est de ce fait pour nos patients la première occasion de nouer une relation de soin. Elle est au centre des premières décisions thérapeutiques ayant un enjeu éthique : faut-il conserver l’organe pulpaire ou dépulper d’emblée ? Faut-il conserver ou extraire ?
La qualité de l’acte endodontique détermine le pronostic à long terme : mené dans de bonnes conditions, son taux de succès est élévé, compris entre 85 % et 95 % ; mené dans de mauvaises conditions, il varie entre 40 % et 50 % (Siqueira, 2010). Les conséquences d’un échec endodontique sont souvent lourdes de conséquences financières, car le pronostic endodontique détermine également le pronostic de la restauration coronaire, voire d’une construction plurale. Elles sont lourdes également en termes de santé publique, car un échec endodontique est caractérisé par une infection de l’espace pulpaire et ces infections ont un retentissement sur l’état général.
Partout dans le monde, l’état des lieux de la qualité des traitements endodontiques est préoccupant. En France, 63 % de la population présente au moins une infection d’origine endodontique (Boucher, 2002). Cette discipline est depuis toujours dévalorisée par sa cotation qui la rend peu attractive, mais également par sa difficulté technique. Le traitement endodontique, malgré son indication fréquente et le fait qu’il soit mené de façon routinière par une majorité de chirurgiens-dentistes, est un acte délicat et complexe même pour les dents présentant des anatomies a priori simples. Réussir un traitement endodontique de façon prédictive demande donc du temps et une application rigoureuse.
Dans ce contexte, il est surprenant qu’un traitement si fondamental dans la santé bucco-dentaire d’une population et si dépendant de la qualité de sa réalisation ne bénéficie pas d’un investissement et d’une prise en charge par la société plus adaptés. Les pistes sont pourtant nombreuses : mise en place d’une vraie politique de prévention qui peut réduire considérablement la quantité d’actes à effectuer, revalorisation des actes, reconnaissance d’une spécialité pour gérer les situations les plus complexes…
Nos instances dirigeantes, avec l’aide de chacun d’entre nous, devraient en faire une priorité de santé publique car, au final, cette situation dévalorise la profession tout entière !
Dr Dominique Martin
Christian Couzinou, dans sa tribune « Un mauvais procès », montre une fois de plus qu’il reste une sentinelle vigilante de la réputation des causes qu’il défend.
Il le fait avec tact, élégance et détermination, en excellent président de l’Ordre qu’il est. On doit lui reconnaître qu’il n’utilise jamais la langue de bois pour exprimer le courage de ses propos.
Dont acte ! »
Pr Edmond Pierre Benqué
Respecter les règles élémentaires
J’ai aimé et je partage la majorité des idées exprimées par le Dr Missika.
Les études bibliographiquesmontrent en effet que les traitements endodontiques sont hélas insuffisants dans la majorité des pays et la France ne fait pas exception. Ce fait n’est pas seulement la conséquence de mauvais traitements, il est aussi lié à la complexité du système endodontique et aux difficultés qui en résultent.
Les retraitements qui s’en suivent sont à mon sens un enjeu de santé publique, mais ils sont aussi à l’origine de plus en plus de litiges. Il me semble par conséquent intéressant qu’un expert judiciaire souligne les failles souvent retrouvées lors des expertises et qu’il rappelle les bonnes pratiques, auxquelles les juges se réfèrent. En endodontie, les recommandations sont construites essentiellement à partir d’un accord professionnel et elles permettent d’aboutir à des applications cliniques validées.
Si, selon la MACSF, 5,9 % des chirurgiens-dentistes sociétaires ont fait en 2012 l’objet de plaintes, ce phénomène risque de s’amplifier avec le temps. à ce jour, les causes endodontiques sont à l’origine d’un tiers des litiges : fractures instrumentales, obturations canalaires inadéquates, dépassements, auxquels il faut ajouter les problèmes de prothèses à déposer en raison d’infections ou de perforations radiculaires…
En fait, la majorité des complications est, directement ou indirectement, liée à la présence de bactéries dans le système canalaire et à l’herméticité des traitements. C’est dire l’importance qu’il nous faut apporter à la désinfection ainsi qu’à la limite et à la qualité de l’obturation.
Ainsi, lors d’un traitement endodontique, il est recommandé de réaliser au moins trois radiographies rétro-alvéolaires datées et archivées (HAS 2008). Le cliché pré-opératoire aide au diagnostic et fixe l’état antérieur. Le cliché peropératoire permet d’établir, ou de confirmer après mesure électronique, la longueur de travail qui doit être inscrite sur le dossier, il permet aussi de contrôler l’ajustage du cône afin d’éviter les sous ou sur-obturations. Enfin, le cliché postopératoire contrôle la qualité du traitement.
Sachant par ailleurs que, légalement, le praticien doit mettre en œuvre tous les moyens dont il dispose pour assurer la sécurité de son patient,il est indispensable de poser un champ opératoire. Seule la digue empêche la contamination du système canalaire par la salive et permet une désinfection optimale ainsi qu’une sécurité maximale.
Le but de cet éditorial était, me semble-t-il, de souligner que le simple respect de ces règles élémentaires permettrait aux praticiens d’être plus sereins en cas d’échecs et de litiges.
Dr Anne Claisse-Crinquette
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