Franck Renouard : Oui, je dois avouer avoir été très surpris quand la demande m’a été faite par celui qui allait devenir le président de l’Academy, le Docteur James Taylor, du Canada. Mais, surtout, je suis très fier de cette position. La globalisation du leadership de l’Academy a débuté avec le Docteur Michael Norton, qui est Anglais, et a été le premier non Nord-Américain à en être le président. Mais je serai le président du congrès. L’AO cherche à se développer dans le monde entier. Elle compte plus de 6 000 membres venant de plus de 70 pays. Elle cherche donc à aller aux devants de ses membres. En 2019, l’Europe sera l’invitée du congrès de Washington, c’est pourquoi un président venant d’Europe a été choisi par le Docteur Taylor.
La barrière du langage peut-elle être un frein pour la diffusion de cette Académie dans le monde ?
F. R. : Oui, mais si la langue du congrès est l’anglais (avec cependant la traduction en 2018 aux langues française, allemande et espagnole), les conférences organisées par l’AO à travers le monde se font en grande partie dans la langue du pays hôte. En janvier 2018, la première réunion régionale de l’AO en France a été organisée avec beaucoup de succès par Philippe Khayat à Paris. Une prochaine rencontre devrait avoir lieu cet automne, également à Paris.
Après cette présentation de l’AO, pouvez-vous nous en dire plus sur le programme ?
F. R. : Je dois avouer que je suis très heureux du résultat. Quand j’ai commencé à mettre en place ce programme, plusieurs personnes m’ont dit que ce serait difficile et que je n’aurais pas les mains libres, que je devrais batailler pour imposer ma vision, bref que je n’aurais pas les coudées franches. Je dois avouer que c’est tout le contraire qui s’est produit. J’ai eu carte blanche pour dessiner les grandes lignes du programme et ensuite, cela a été très facile avec James Taylor et les membres du comité scientifique. Les échanges ont été aisés et efficaces. Il faut dire que James Taylor est un ancien dentiste militaire, actuellement conseiller du ministre de la Santé canadien pour la partie dentaire. Avec lui, les échanges sont francs et directs et on ne perd pas de temps dans de longues et infructueuses discussions. Le but final, pour tout le comité scientifique, a toujours été la grande qualité du programme.
Pouvez-vous nous en dévoiler un peu plus ?
F. R. : Les piliers du programme ont été d’emblée : originalité, rigueur scientifique et lien avec la clinique. Je ne vais pas vous décrire toutes les sessions du congrès, il y en a trop, mais j’aimerais m’arrêter sur trois d’entre elles qui vont vous en donner la tonalité.
La première s’appelle « 10 Years After ». L’idée m’est venue en réécoutant le disque, vinyle de surcroît, du concert live de 10 Years After donné à Francfort en 1973. Quand, à vingt ans, j’écoutais cette musique, elle me paraissait normale. Je ne me posais pas la question de la qualité ou de l’originalité. Mais quand j’ai redécouvert le disque il y a quelques années, j’ai été étonné par la qualité musicale de ce groupe ou d’autres comme Led Zeppelin, Deep Purple, Procol Harum, etc. Et je me suis demandé si aujourd’hui, en musique, il y avait vraiment des choses nouvelles ou si l’apparente créativité musicale n’était en réalité qu’une copie adaptée à notre temps de ce qui se faisait avant. Est-ce que ce n’était pas mieux avant ?
Il semble que nous sommes bien loin de la dentisterie ?
F. R. : Mais non, c’est à partir de cette réflexion, que nous allons demander à des experts – non en musique, mais en implantologie – de dire ce qu’ils faisaient il y a dix ans et de décrire ce qu’ils font aujourd’hui. Ils devront expliquer si et pourquoi ils ont modifié leurs indications, leur technique ou encore les matériaux qu’ils utilisent. Ils devront montrer des échecs pour justifier leurs changements, si changements il y a eu. Il y aura autant de conférenciers en chirurgie qu’en prothèse. Il est difficile pour quelqu’un qui ne va pas régulièrement dans les congrès de comprendre pourquoi telle ou telle personne en est arrivée à ce stade de réflexion. Le but de la séance est de justifier les options thérapeutiques.
Quelle est la deuxième séance qui vous tient à cœur ?
F. R. : Elle s’appelle « Traitement de l’édentement complet à travers les âges ». Quatre conférenciers parleront des patients édentés complets en dessous de dix ans, à trente ans, à soixante ans et à quatre-vingt-dix ans. Vous comprenez bien que si l’indication est identique, le contexte est tout à fait différent. Anodontie, édentement à trente ans, souvent à cause de maladie parodontale sévère, édentement à soixante ans, parfois d’origine iatrogène, et édentement à quatre-vingt-dix ans, quand les problèmes cognitifs et de motricité sont présents. Je peux vous assurer que ce sera une superbe session pleine d’enseignements.
Et la troisième ?
Tout est parti d’une idée de James Taylor, qui était de renouer avec les séances scientifiques de très haut niveau. Pour cela, nous avons demandé au Docteur John Davies, scientifique mondialement connu, de choisir lui-même ses conférenciers. Cela va être passionnant. Ils vont se poser la question des réactions de l’os autour du titane en mettant en avant le problème des pathologies péri-implantaires non infectieuses. Les conséquences cliniques de leurs travaux sont énormes.
Si vous regardez le programme, vous verrez qu’il est dense. Nous allons parler de la zircone et de ses limites, de l’aménagement tissulaire péri-implantaire, de biomécanique et de bien d’autres sujets. Il y aura un nombre de femmes sur le podium inégalé dans l’histoire de cette Academy. Nous avons aussi veillé au bon équilibre des conférencier(e)s en fonction de leur origine géographique avec trois Français(e)s.
De très nombreuses séances plénières ou d’autres en tout petit comité seront organisées, il sera possible de déjeuner avec certains des conférencier(e)s, un programme est organisé pour les assistantes et les hygiénistes, ainsi qu’un programme spécial pour les prothésistes de laboratoire. Sans oublier un beau programme social dans une ville magnifique. Bref, beaucoup de très bonnes raisons de nous rejoindre à Washington.
Combien de temps vous a demandé l’élaboration de ce grand congrès international ?
F. R. : Mon premier contact avec James Taylor a eu lieu en août 2016, et nous avons fini de régler les détails en mars 2018. Cela représente pas mal de travail. Mais quel plaisir !
Avez-vous quand même une frustration ?
F. R. : Oui, et une immense : ne pas pouvoir suivre toutes les conférences ! Mais c’est ainsi.
L’histoire…
dentistes, ce n’était pas le cas à cette époque. Il existait de nombreuses réticences et beaucoup d’interrogations. Si les Suédois étonnaient par leur recul et leur rigueur scientifique, les cas cliniques qu’ils présentaient étaient loin d’être esthétiques. Mais certains ont vite compris l’incroyable potentiel de ces travaux et ont eu l’intelligence de se regrouper pour travailler ensemble. Aux États-Unis, l’Academy for Osseointegration est née, et un peu plus tard s’est produit la même chose en Europe avec l’European Association for Osseointegration (EAO).
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