Crachoir ou pas?

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire (page 30-31)
Information dentaire
Ce sujet divise aujourd’hui de nombreux praticiens. Tout le monde s’accorde sur le fait que le crachoir est l’une des zones les plus contaminées de notre unit.
Pourquoi donc ne pas le supprimer ?

Un groupe d’étude belge, travaillant pour les recommandations du Conseil supérieur d’hygiène en matière d’hygiène en pratique dentaire, définit ainsi les caractéristiques du crachoir : « Le crachoir doit être de dimension suffisante, fait en un matériau lisse et d’entretien aisé, sans rebord en contre-dépouille ; le tuyau de rinçage doit se situer au-dessus du rebord pour éviter tout risque de contamination du circuit d’eau. Certaines cuvettes de crachoir sont amovibles et peuvent être désinfectées en auto-laveur. Il faudra donc expliquer au personnel ainsi qu’aux patients que cette partie de l’équipement ne doit pas être manipulée sans protection. »
En analysant la pratique d’un chirurgien-dentiste au quotidien, il est possible de mettre en évidence plusieurs éléments.

Inconvénients du crachoir

• Si le patient est en position allongée, cela oblige le praticien à remonter le fauteuil et perdre ainsi sa position de travail.
• Certains patients interrompent fréquemment le soin afin de cracher ou de se rincer la bouche. Le patient décide ainsi à quel moment interrompre le soin, ce qui peut compromettre sa qualité.
• Les dimensions du crachoir sont toujours insuffisantes : lorsque le patient est anesthésié, il crache souvent à côté ainsi que sur le sol, augmentant ainsi le travail de l’assistante.
• Le crachoir fait perdre un temps précieux
– Au praticien : en moyenne, une minute au minimum est perdue avec chaque patient en attendant qu’il se rince la bouche. Si l’on reporte ce temps sur l’année, plusieurs jours de travail sont perdus (nous avons tous vu des patients qui se rincent la bouche jusqu’à la dernière goutte du verre en faisant en plus des gargarismes).
– À l’assistante : le crachoir demande un entretien particulier entre chaque patient (désinfection, filtres) ainsi qu’en fin de journée, et exige l’achat de produits spécifiques. Il s’agit de la zone la plus critique du fauteuil en matière d’hygiène et il convient d’être particulièrement vigilant quant à son entretien.
• Un crachoir risque de se boucher et il est toujours désagréable de devoir effectuer une maintenance dans ce genre d’endroit !
• Dans la plupart des cas, les fauteuils équipés d’un crachoir nécessitent un système de type Metasys, alors que sa suppression permettrait d’utiliser uniquement des filtres au niveau de la pompe d’aspiration. Cela permettrait des économies, particulièrement dans les cas où le cabinet comprend plusieurs fauteuils, car il n’y aura plus qu’un récupérateur d’amalgame au niveau de la pompe d’aspiration et non un sur chaque unit.
• Il interdit l’utilisation systématique de la digue.

Avantages du crachoir
• Le principal avantage est d’ordre relationnel. Pour certains, le crachoir permet de donner un peu d’humanité aux soins, en permettant au patient de se reposer, de se détendre. Cela met en avant le souci du praticien de garantir le confort et le bien-être du patient.
• Il permet de garder une pompe d’aspiration moins performante. En effet, lors d’absence de crachoir, il est évident que la pompe d’aspiration doit avoir un débit important afin de ne pas compromettre le soin en laissant s’accumuler une grande quantité d’eau et de salive dans la bouche.
• Si le crachoir fut bel et bien un nid à bactéries lors de son apparition sur les fauteuils, quand l’aspiration n’existait pas, les technologies à notre disposition aujourd’hui permettent une aspiration performance qui permet de pallier ce problème.
• Il permet au praticien de conserver ses habitudes. Car si l’on regarde le fond du problème, le fait que le crachoir perdure dans les cabinets dentaires n’est pas une question de rentabilité, mais bel et bien de force de l’habitude. Or on sait qu’il est toujours difficile de changer ses habitudes !

Idéalement, un praticien devrait débuter sa pratique avec un unit exempt de crachoir afin qu’il ne vienne pas un jour à lui manquer. Le rôle des Universités et des centres de formation se révèle essentiel afin d’introduire cette philosophie de soins.

Quelques pistes pour aider à leur suppression
• Patients et praticiens sont conscients du fait que le crachoir est une zone contaminée et du problème que cela engendre tant pour l’entretien que pour la maintenance. Sa suppression pourrait donc être présentée simplement aux patients : « Monsieur Dupont, vous ne connaissez pas encore notre nouveau fauteuil. Ne soyez pas surpris, mais le crachoir a été supprimé pour des questions d’hygiène. Mais rassurez-vous, pour votre confort, vous pourrez tout de même vous rincer la bouche après le soin dans la salle réservée à cet effet (ou le lavabo à votre disposition). »
Le praticien permet ainsi au patient de se rincer la bouche s’il le souhaite, mais en fin de soins (quand le chirurgien-dentiste le désire) et dans une zone spécifique. Cela fait gagner du temps puisque le soin est fini et en outre, techniquement, un lavabo ayant une canalisation de 32 mm, il risque beaucoup moins de se boucher qu’un crachoir !
Le débat s’est donc déplacé sur le terrain de la communication avec le patient, plus sur un problème « technique ».
• L’absence de crachoir permet un travail sous digue, avec tous les avantages que cela procure, au premier rang desquels l’augmentation de la qualité des soins. Cet argument doit pousser le praticien à sortir de ses habitudes.

Dès lors, il ne reste qu’à donner un conseil : osez sortir de votre zone de confort !
Vous avez les arguments pour entreprendre un changement !

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