L’assurance maladie fait des propositions chiffrées

  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire
Information dentaire
Après deux mois d’interruption, les négociations conventionnelles ont repris. Une réunion plénière s’est tenue le 16 février. L’assurance maladie y a présenté ses propositions chiffrées. Grandes lignes et réactions.

Une bonne nouvelle d’abord : il n’y a plus la forte contrainte de temps imposée par Agnès Buzyn, ministre de la Santé. En lançant la concertation sur le reste à charge zéro en début d’année, elle avait dit vouloir clore les négociations sur le dentaire en avril prochain. Le directeur général de la CNAM, Nicolas Revel, a précisé aux syndicats qu’il fallait ne retenir que la date du 1er janvier 2019 comme date butoir. Six mois étant généralement nécessaires entre la signature d’une convention et son application concrète, un accord peut intervenir au mois de juin, voire en juillet. Une prochaine réunion est programmée le 16 mars.
 
Dans le document fourni aux syndicats (à retrouver sur www.information-dentaire.fr), l’assurance maladie prévoit une revalorisation d’actes à hauteur de 692 millions d’euros dont 65 millions pour les forfaits CMU-C et ACS. Certains actes de restaurations coronaires sont revalorisés jusqu’à hauteur de 26, 50, voire 60 %, comme les 3 faces prémolaires ou incisives (65,51 € au lieu de 40,97 €). L’endodontie est majorée en moyenne de 35 %, par exemple la pulpectomie sur molaire permanente, passant de 81,94 à 110,62 €. Les scellements de sillon prennent jusqu’à 20 % (une dent 26,03 € au lieu de 21,69, cinq dents 124,72 € au lieu de 108,45 €). Tous les actes d’avulsion de dents temporaires sont relevés de 50 %. Des revalorisations sont également appliquées à certains actes de soins prothétiques dont les inlays-onlays (le 3 faces passerait ainsi de 40,97 à 100 €). L’ensemble de ces revalorisations s’étalent sur la durée de la convention soit cinq années.
 

Trois paniers

En contrepartie, l’assurance maladie souhaite plafonner certains actes prothétiques courants. Pour tenir compte de la volonté présidentielle d’arriver à un reste à charge zéro (RAC 0) d’ici à 2022, la CNAM répartit les actes prothétiques en trois paniers distincts : un panier RAC 0, un panier à tarifs « maîtrisés » et un panier à tarifs libres. « Le contenu et le calendrier de mise en place de ce panier RAC 0 seront fixés plus tard, à l’issue de travaux techniques en cours entre AMO et AMC », précise l’assurance maladie. Les critères de répartition entre les trois paniers se fondent sur la localisation de la dent (antérieure, intermédiaire – 1re et 2e prémolaires – et postérieures) et sur la nature du matériau utilisé : couronnes métalliques, full zircon, CCM, couronnes céramiques monolithiques, CCC. Pour la CNAM, ces critères permettent de « garantir l’accès de tous à des matériaux dont la qualité esthétique soit adaptée à la localisation de la dent concernée » et assurent « le développement de l’innovation technologique et les choix de matériaux haut de gamme par des niveaux de prix adaptés ». Le panier RAC 0 représente 35 % des honoraires totaux des actes prothétiques retenus dans les paniers de soins et 46 % des actes, le panier RAC modéré 49 % des honoraires et 41 % des actes, et le panier à tarifs libres 16 % des honoraires et 13 % des actes. Par exemple, la couronne métallique dans le panier RAC 0 serait plafonnée à 290 €. La CCM deuxième prémolaire, première molaire, incluse dans le panier RAC modéré, serait à 520 €. La CCM antérieure, première prémolaire, à 550 €. L’inlay-onlay 3 faces, dans le panier RAC modéré, serait plafonné à 370 €. La mise en place des plafonds aurait un impact global de 562 millions pour la profession.
 

De la prévention

La CNAM fait de nouvelles propositions en matière de prévention pour un montant total de 90 millions :
– mise en place d’un nouvel examen bucco-dentaire pour les enfants de 3 ans (avec évaluation du risque carieux et bilan des apports fluorés) ;
– prise en charge de l’application biannuelle de vernis fluorés pour les enfants de moins de 6 ans à fort risque carieux (25 €) ;
– prise en charge des patients diabétiques avec bilan parodontal à 50 € contre 40 € dans l’avenant 4 et assainissement par sextant à 80 € (versus 70 €) ;
– lancement d’une expérimentation de prise en charge d’un forfait de prévention comprenant plusieurs séances avec évaluation du risque carieux, radiographies rétrocoronaires, nettoyages prophylactiques, scellements de sillons, détartrage, éducation à la santé bucco-dentaire et évaluation des acquis (proposition non chiffrée).

Les réactions des syndicats

CNSD : « Des plafonds inacceptables en l’état »

« Avec ces propositions, on entre dans la véritable négociation, souligne Catherine Mojaïsky, présidente de la CNSD. C’est sur cette base que nous allons discuter. Et nous pensons que la CNAM a encore des marges de négociations, faibles mais réelles. Je veux d’abord retenir les points positifs, notamment sur la prévention, avec des avancées sur les vernis fluorés ou sur l’expérimentation de la consultation de prévention. Il y a aussi quelques revalorisations encourageantes comme sur les inlays-onlays, l’endodontie ou les avulsions de dents temporaires. Mais, bizarrement, rien sur les dents définitives…
 
Globalement, nous ne pouvons accepter les plafonds proposés en l’état qui sont bien trop bas et demandons des revalorisations plus conséquentes. L’arrivée du panier « reste à charge zéro » est une difficulté supplémentaire parce qu’elle induit des remboursements différenciés en fonction de la localisation de la dent malgré la même qualité de prothèse, comme pour la CCM par exemple. Il va falloir expliquer cela au patient et j’ai bien peur que nous nous transformions en marchands de tapis. Enfin, il n’y a rien sur les clauses de sauvegarde. Or, le reste à charge zéro induira un effet volume. Les nombreux patients voulant y accéder devraient faire exploser les coûts pour l’assurance maladie et les complémentaires. Ces dernières voudront sans doute baisser les prix pour compenser les volumes. Il n’en est pas question. »
 

FSDL : « Le délabrement gratuit pour tous »

« À part l’augmentation de la base de remboursement de l’inlay-onlay à 100 € mais contrebalancée par son plafonnement à 370 €, la mise d’une expérimentation sur la prise en charge d’un forfait prévention mais non chiffrée, la prise en charge de vernis fluorés mais uniquement sur les dents temporaires des enfants de moins de 6 ans, je ne vois rien de positif à retirer de ces propositions, se désole Patrick Solera, président de la FSDL. Les revalorisations sur les actes conservateurs sont insuffisantes et les plafonds qui s’appliqueraient ainsi à 87 % de nos actes prothétiques aujourd’hui à honoraires libres sont inacceptables.
 
En réalité, en introduisant le panier RAC 0, on nous propose désormais une CMU + : le délabrement gratuit pour tous, avec des actes prothétiques les moins conservateurs pour des honoraires hors de toute réalité. Que dire de la couronne tout céramique à 410 € pour les dents antérieures ou des appareils complets en résine à 950 €… Pour un même patient venant pour une couronne sur incisive, nous pourrons proposer une « full zircon » blanc lavabo gratuite à 410 €, une CCM pas terrible gratuite à 500 € ou une tout céramique idéale avec un reste à charge de 300 ou 400 €. Que va-t-il se passer ? Un appel d’air énorme vers le tout gratuit amplifié par les praticiens qui compenseront ces prix indécents par du volume. La logique « low cost ». Nous avons demandé à Nicolas Revel de revoir complètement sa copie, mais je ne me fais guère d’illusions… »
 

UD : « Loin du compte malgré des avancées »

« Le compte n’est pas bon et nous ne signerions rien en l’état, estime Philippe Denoyelle, le président de l’Union Dentaire. Mais au vu des revalorisations proposées de 50 % en moyenne, de la mise en place d’un panier à honoraires libres auquel nous tenions et des avancées en matière de prévention, nous ne pouvons pas dire que nous n’avons pas été entendus par l’assurance maladie. Les avancées enregistrées aujourd’hui, même insuffisantes, sont encourageantes et correspondent à ce que nous défendons depuis longtemps. Il y a de vrais progrès par rapport aux précédentes négociations sur l’avenant 4. Nous ne désespérons pas d’arriver à un résultat satisfaisant qui permettra de nous affranchir définitivement du risque d’un règlement arbitral dévastateur. Il reste des marges de négociations et nous devons obtenir plus sur certains points comme le plafonnement de la couronne « full zircon » à 410 € qui n’est pas acceptable. Ce sera l’enjeu des prochaines séances et c’est pour cela que nous appelons une fois encore à l’unité syndicale pour présenter un front commun sur l’essentiel. »

Cliquez ci-dessous pour visualiser les propositions de l’UNCAM

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