Endodontie

  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire
Information dentaire

Quelle est le niveau de contamination bactérienne des différents matériaux endodontiques et dispositifs consommables que nous utilisons en endodontie ?

Auteur du résumé : Al Khourdaji Ghina.
Article analysé : Saeed M et al. Bacterial contamination of endodontic materials before and after clinical storage. J Endod 2017 ; 3 (11) : 1852-1856.
Mots clés : contamination bactérienne, stockage, matériaux endodontiques.
Type d’article : étude in vitro.
Niveau de preuve : 5 d’après la classification d’Oxford.
Provenance de l’article, auteurs : cette étude a été réalisée à l’Institut Dentaire de l’Université King’s College à Londres. Media Saeed est une ancienne étudiante et Frederico Foshi maître de conférences en endodontie. Ses thématiques de recherche sont la microbiologie, le biofilm, la désinfection, la biologie de la pulpe, et les instruments en nickel-titane.
 
Méthodologie : des échantillons de différents consommables ont été prélevés immédiatement après l’ouverture de l’emballage d’origine (t0), après 7 jours (t1) et 14 jours (t2) de stockage et d’utilisation clinique. Trois échantillons de chaque emballage scellé (points de gutta percha, digues en caoutchouc, agents de calfatage, blocs à spatuler, éponges) ont été choisis au hasard. Les échantillons ont été « mis en culture » puis cultivés et analysés (analyse MALDI-TOF et qPCR).
Réponse : tous les consommables endodontiques précités sont contaminés une fois qu’ils ont été sortis de leurs emballages scellés. Cette contamination augmente avec le temps de stockage.
 
Synthèse en trois points :
• selon les normes actuelles de contrôle des infections, tous les matériaux et instruments utilisés pour un traitement endodontique devraient être stériles ;
• Propionibacterium, Staphylococcus et Micrococcus étaient les bactéries les plus fréquemment identifiées sur les dispositifs analysés ;
• le niveau d’infection (charge bactérienne) retrouvé sur les dispositifs médicaux analysés augmente avec la durée de stockage.
 
Implications cliniques retenues : cette étude démontre que le seul déballage des matériaux utilisés en endodontie les expose à la contamination bactérienne. Cette charge bactérienne augmente avec le stockage clinique. Ainsi, un échec endodontique peut être, au moins en partie, provoqué par une infection nosocomiale à partir de matériaux endodontiques. Ces informations doivent être connues par les praticiens et certaines précautions doivent être prises. Par exemple, la désinfection de la digue une fois celle-ci mise en place et la désinfection de la gutta percha avant l’obturation du canal radiculaire devraient être systématiques. En outre, une bonne gestion logistique semble essentielle afin d’éviter une longue période de stockage, puisque la durée de conservation après déballage augmente le risque de contamination bactérienne.

Y a-t-il une différence en termes de succès pour le traitement de la dent immature entre l’apexification et le traitement par revitalisation (ou revascularisation) ?

Auteur du résumé : Brice Riera.
Article analysé : Lin J et al. Regenerative endodontics versus apexification in immature permanent teeth with apical periodontitis : A prospective randomized controlled study. Journal of Endodontics 2017 ; 43 (11) : 1821-1827.
Mots clés : apexification, parodontite apicale, tomographie volumique à faisceau conique, dent immature, régénération endodontique.
Type d’article : étude clinique, prospective, randomisée, contrôlée.
Niveau de preuve : 2b d’après la classification d’Oxford.
Provenance de l’article, auteurs : l’article vient de Chine. Les intérêts en recherche de l’auteur concernent la régénération des tissus dentaires en utilisant la technologie de l’ingénierie tissulaire, incluant l’utilisation de cellules souches dentaires et de biomatériaux innovants.
 
Méthodologie : 118 dents monoradiculées immatures ont été in­cluses dans cette étude et traitées par apexification ou revitalisation après randomisation. Le suivi a été réalisé à 3, 6, 9 et 12 mois, avec à chaque fois un contrôle clinique (symptomatologie) et radiographique (rétro-alvéolaire). Un CBCT a été réalisé en préopératoire et à 12 mois. Le développement dentaire a été quantitativement mesuré grâce aux examens comparatifs en 3 dimensions, notamment la longueur et l’épaisseur radiculaire ainsi que le diamètre apical.
Réponse : la revitalisation et l’apexification présentent des résultats comparables en termes de résolution de la symptomatologie et de guérison apicale.
 

Synthèse en trois points :
• les dents permanentes immatures présentant une nécrose pulpaire peuvent être traitées par revitalisation ou apexification ;
• le but de cette étude était de comparer les résultats obtenus entre apexification et revitalisation en termes de symptomatologie, guérison apicale, croissance radiculaire ;
• ces 2 techniques présentent des taux de succès (environ 90 %) et de survie (100 %) comparables ; mais la revitalisation permet la croissance radiculaire (longueur et épaisseur) dans plus de 80 % des cas, ce qui n’est pas le cas avec l’apexification.
 
Implications cliniques retenues : les auteurs ont également étudié les résultats cliniques en fonction de l’étiologie de la pathologie. Les 118 dents traitées étaient soit des incisives centrales ayant subi un traumatisme, soit des prémolaires atteintes de dens evaginatus. L’étiologie traumatique a montré une croissance radiculaire moindre en réponse au traitement par revitalisation comparée à l’étiologie dens evaginatus.
Aujourd’hui, face à un patient se présentant au cabinet avec une dent permanente immature nécrosée avec parodontite apicale, faut-il traiter par revitalisation ou apexification ?
Il n’y a pas de réponse stricte à cette question, mais des critères à considérer, et donc pas de mauvaise décision thérapeutique tant que celle-ci est justifiée. D’autant que ces deux thérapeutiques remplissent un objectif commun, qui est la résolution de la symptomatologie et la guérison apicale.

Ces critères sont :
– un développement radiculaire faible (longueur et épaisseur très réduites) : une dent dont la croissance a été arrêtée précocement en raison de sa nécrose pulpaire. La revitalisation permettrait alors de renforcer la dent sur un plan biomécanique ;
– la notion de gradient thérapeutique : la réalisation d’une revitalisation en première intention permettra, en cas de réintervention, de réaliser une apexification, l’inverse n’étant pas vrai ;
– l’étiologie : la revitalisation sur une dent traumatisée présentant une croissance radiculaire moindre comparée aux dents atteintes de dens evaginatus, ce critère peut être un argument en faveur de l’apexification ;
– la compliance du patient : absolument nécessaire dans les cas de revitalisation (contrôles réguliers), une apexification sera préférée si le patient n’est pas prêt à fournir l’effort du suivi…
 

Quelle est la place de l’antibiothérapie topique et systémique dans la pratique de l’endodontie moderne ?

Auteur du résumé : Valentin Marchi.
Article analysé : Segura-Egea JJ et al. European Society of Endodontology position statement : the use of antibiotiques in endodonties. Hein Endos J 2018 ; 51 (1) : 20-25.
Mots clés : agents antimicrobiens, parodontite apicale, infection endodontique, parodontite péri-apicale, pulpite.
Type d’article : scientifique/recommandations officielles.
Niveau de preuve : 1b d’après la classification d’Oxford.
Provenance de l’article, auteurs : ces recommandations sont issues du consensus d’un comité d’experts nommés par la Société Européenne d’Endodontologie (ESE). Juan-Jose Segura Egea est professeur d’endodontie à l’université de Séville, en Espagne. Il a plus de 140 publications scientifiques à son actif et ses sujets de prédilection sont les rapports entre maladies systémiques et endodontie, ainsi que l’utilisation des antibiotiques. Elisabetta Cotti est professeur et chef du département d’endodontie de l’université de Cagliari, en Italie. Elle a publié environ 50 articles et s’intéresse principalement à l’échographie en endodontie, la traumatologie et les résorptions dentaires. Paul Dummer est professeur à l’école dentaire de Cardiff, au Pays de Galles. Il est éditeur en chef de l’International Endodontic Journal, il a plus d’une centaine de publications à son actif, principalement à propos de la mise en forme et du MTA.
 
Méthodologie : revue de la littérature scientifique actuelle sur le sujet et expertise du comité.
Réponse : la prescription antibiotique en endodontie peut être prophylactique ou curative. Elle est principalement indiquée pour les patients à risque infectieux (dans différentes situations) ou lorsqu’il y a des signes de diffusion systémique de l’infection endodontique.
 
Synthèse en trois points :
• l’amélioration clinique de la symptomatologie doit guider la durée de l’antibiothérapie ;
• l’application topique d’agents antibiotiques est recommandée seulement dans les cas de réimplantation d’une dent expulsée ;
• l’antibiothérapie pourrait ne pas être nécessaire avant une chirurgie endodontique sur un patient sain.
 
Implications cliniques retenues : à l’heure actuelle, les antibiotiques sont encore beaucoup trop prescrits en endodontie. Leur utilisation devrait être réservée aux cas de diffusion systémique de l’infection et aux patients à risque infectieux. Par exemple, une couverture antibiotique est quasi systématiquement prescrite dans le cadre de la chirurgie endodontique, alors qu’il n’y a pas forcément de justification scientifique pour le patient sain. Les recommandations de cet article sont également en contradiction avec une habitude bien ancrée dans la profession : le patient est toujours tenu d’aller au bout de la prescription, même si une résolution des symptômes survient dans un délai plus court. Une réévaluation du patient après 3 jours pourrait se révéler judicieuse afin de décider de la poursuite de l’antibiothérapie et ainsi éviter une durée de traitement inutilement plus longue. Aujourd’hui, il est plus que temps de changer nos habitudes de prescription afin de stopper le développement de résistances bactériennes au niveau collectif et de préserver ainsi l’efficacité thérapeutique des antibiotiques.

Thèmes abordés

Commentaires

Laisser un commentaire

Sur le même sujet

Revue de presse

Article réservé à nos abonnés Leucoplasie orale et imiquimod

Limiquimod (analogue nucléosidique de la famille des imidazoquinolines) est un immunomodulateur dont l’activité repose essentiellement sur son rôle de ligand...
Revue de presse

Article réservé à nos abonnés Crête osseuse atrophiée et reconstruction pré-implantaire : greffe autogène ou xénogène

Depuis son avènement au début des années 80, l’implantologie moderne connaît un développement continu et exponentiel grâce à une meilleure...
Revue de presse

Quand l’alpinisme inspire l’orthodontie

L’objectif de cet article est de présenter, sous la forme d’un cas clinique, un nouveau dispositif d’ancrage postérieur mandibulaire par...
Revue de presse

Article réservé à nos abonnés Presse internationale : rencontre avec les Drs Sylvie Lê, Sara Laurencin-Dalicieux et Charlotte Thomas

Article commenté Lê S, Laurencin-Dalicieux S, Minty M, Assoulant-Anduze J, Vinel A, Yanat N, Loubieres P, Azalbert V, Diemer S,...
Revue de presse

Article réservé à nos abonnés Adhésifs universels, vieillissement et dégradations

Depuis le collage amélaire décrit par Buonocore en 1955 puis les premiers succès du collage dentinaire au tout début des...
Revue de presse

Article réservé à nos abonnés Nouvelle approche de la gestion de la leucoplasie orale

Limiquimod (analogue nucléosidique de la famille des imidazoquinolines) est un immunomodulateur dont l’activité repose essentiellement sur son rôle de ligand...